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Enfant faisant du macramé dehors
logo Marion Launay

Pour le magazine PEP’S

Apprendre ensemble

Quand je lis Maria Montessori, je peux me rendre compte à quel point dans sa démarche elle a appris des enfants, en les observant et en partageant avec eux, pouvoir le lire et me le rappeler m’inspire beaucoup.

Inverser les rôles

La première fois que je m’en suis rendue compte, Mihla devait avoir 4 ans, elle était en juste-au-corps et s’entraînait à danser devant L’espace d’un instant, un documentaire sur la danseuse étoile Aurélie Dupont. Une fois le film terminé on a mis de la musique et elle a continué à danser, puis je ne sais plus trop comment on en est venues à s’échanger nos savoirs ! Elle me montrait un pas de danse, je lui montrais une posture de yoga…

Je ne me suis jamais intéressée à la danse, je n’en ai jamais fait non plus, du moins pas de façon « formelle », alors en matière de danse classique je n’ai absolument aucune notion… ! Et justement je crois bien que c’est parce que je n’ai aucun bagage sur le sujet que nous avons pu partager ce chouette moment ensemble, où j’étais pleinement à son écoute, me laissant guider par ses explications.

Évidemment Mihla a eu beaucoup de plaisir à me reprendre lorsque ça n’allait pas ! Remarquant à volonté nos différences significatives de souplesse, mon manque de grâce certain aussi selon les positions à prendre! J’en rajoutais même un peu, histoire d’en profiter pour bien rigoler !

J’ai senti à quel point cette soudaine et inattendue « inversion » des rôles était une aubaine, Mihla était pleine d’enthousiasme à l’idée de m’apprendre ce qu’elle savait ! Habituellement déjà, les 10 000 « Maman regarde ! » par jour pour me montrer ce qu’elle expérimente et sait faire sont source de joie, mais alors là, m’initier à quelque chose que je ne connaissais pas c’était carrément exaltant ! Je me souviens avoir vu dans ses yeux combien c’était une expérience valorisante, nourrissant activement sa confiance et son estime d’elle même.

Quand les enfants nous enseignent

J’ai la sensation quand j’y penses que c’est comme si ces moments là permettaient de contrebalancer cette sensation que les enfants peuvent avoir plus ou moins régulièrement d’être un peu « écrasés » sous le poids du manque d’expérience, sur laquelle en plus notre façon de vivre et de fonctionner vient souvent appuyer…

Trop régulièrement pressé par le temps on en vient à ronchonner sur leur manque de savoir faire…

On finit par s’impatienter face à la simplicité apparente des choses…

Et puis on ne sait plus vraiment ce que c’est que d’apprendre quelque chose de totalement nouveau…

Cette relation d’apprentissage qui a tendance à prendre un sens unique de circulation, je me demande ce qu’elle fait passer comme message à force de se répéter sans cesse… Quand j’y penses ça résonne un peu tristement en moi, j’ai l’impression de retomber sur cette idée liée au fait que les grands, les adultes sont ceux qui « savent » et que les petits, les enfants ont tout à en apprendre…

Pourtant depuis que je suis maman, je me rends bien compte à quel point mes enfants ont à m’enseigner… Et surtout là où je ne les attendais pas ! Comme sur le regard que je peux porter sur les choses de la vie, mes conditionnements aussi qu’ils viennent questionner, sans parler de mon rapport au temps !

Revenir dans le rôle de l'apprenant

Un été une autre belle occasion est arrivée comme sur un plateau ! Nous étions de retour de l’université d’été de Pep’s, et Mihla avait envie de faire des bracelets brésiliens, elle venait justement d’en apprendre la technique pendant les ateliers enfants avec Alizée « la reine du bracelet brésilien » ! On s’y est donc mises ensemble, elle m’a montré plusieurs fois comment faire les petits nœuds qui constituent le tissage, pendant que j’essayais de comprendre tout en travaillant ma motricité fine… Parfois on a eu besoin de regarder ensemble des vidéos sur youtube pour des points techniques précis comme le démarrage du bracelet, où parce que nous avions envie de changer le motif, bien sur Mihla a rit devant ma difficulté à magner ses petits fils avec mes grands doigts ! On a même un peu déliré devant cette petite chose si difficile !

Et en même temps au début ça m’a quand même réellement mise en difficulté, il y a des moments où j’ai un peu perdu patience, où j’ai râlé et pesté contre ses satanés fils ! Je me suis demandé un peu plus tard, une fois la difficulté franchie et le calme revenu en moi, comment je pouvais réagir moi-même face à ce que mes enfants ne parviennent pas toujours à faire… Au fait de perdre patience, d’avoir des mots qui manquent de délicatesse… Cette expérience m’a permis une piqûre de rappel intérieure sur le fait que c’est contre productif, en tout cas pour celui qui tente d’apprendre, qui au contraire me semble avoir besoin d’accueil, d’écoute, de douceur au moment où ça ne fonctionne pas et qu’il est potentiellement déjà contrarié…

Toutes ces occasions précieuses de nourrir la confiance en eux

Je me souviens aussi du jour où sur le canapé je grognais un peu toute seule sur mon téléphone, ça faisait plusieurs fois que je cherchais comment parvenir à écrire un a avec accent dans un sms ou un mail sans réussir à trouver ce fichu truc… Ce week-end là Titouan était à la maison et comme il passait justement dans le salon, je lui ai (enfin!) demandé si par hasard il savait comment faire pour avoir un « à »… Bien sûr qu’il savait ! En deux-deux il m’a montré, c’était hyper simple ! Je me suis demandé pourquoi je n’avais pas eu l’idée de le lui demander plus tôt… Comme si encore une fois cette croyance liée au fait que ce sont les adultes qui détiennent le savoir était à l’œuvre…

Tout cela me rappel des paroles d’adolescents, lors d’une rencontre d’été annuelle de l’association Les Enfants D’Abord rassemblant des familles non-scolarisantes. Les jeunes avaient eu l’initiative de proposer un temps de discussion et d’échanges avec les nombreux parents d’enfants plus petits souhaitant en savoir plus sur ce que l’on devient en grandissant tout ou en partie hors de l’école. Un moment très riche dont je garde de chouettes souvenirs, notamment celui où plusieurs ados ont partagé que finalement souvent parmi leurs meilleurs souvenirs liés à cette grande aventure, les apprentissages partagés avec leurs parents avaient une place de choix. Il me semble avoir entendu que justement lorsque l’adulte ne sait pas, une dynamique d’apprentissage complètement différente se met en route, on peut partir ensemble à la recherche d’informations pour comprendre et acquérir de nouvelles compétences et savoir-faire dans une démarche commune d’intérêt et d’entraide.

Ces moments me semblent des occasions précieuses de nourrir le lien avec mes enfants, de les accompagner dans leur développement, de soutenir leur confiance, et aussi d’apprendre tout un tas de choses que j’ignore encore ! J’essaie d’être attentive à leur faire une belle place 🙂

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