Pour le magazine PEP’S
Montessori et les tout-petits
Maria Montessori s’intéresse finalement aux tout jeunes enfants après avoir d’abord, tout au long de sa carrière, explorer les autres âges de l’enfance.
Pour Maria Montessori, tout a commencé en Inde
Son intérêt est éveillé dans un premier temps en Inde, lorsqu’elle fuie la seconde guerre mondiale qui se profile en Europe. Là-bas, plongée dans une culture différente où les jeunes mères viennent accompagnées de leurs bébés à ses conférences et ses cours, elle se met à observer les tout-petits ; en parallèle de ses réflexions sur le lien certain entre L’Éducation et la Paix (1) que les conflits de son époque suscitent en elle…
Puis c’est à la fin de sa vie, lorsqu’elle s’installe définitivement aux Pays-Bas aux côtés de son fils Mario et de sa famille, qu’elle se tourne vraiment plus particulièrement vers les plus jeunes, observant ses petits-enfants auprès de qui elle vit. Réparant peut être même ainsi un des grands paradoxes de sa vie, et sûrement une de ses plus grandes blessures, puisque si Maria Montessori s’est occupée d’enfants tout au long de sa vie, elle n’a cependant pas pu partager et vivre le quotidien avec son fils pendant ses premières années à lui.
Une vaste conquête : celle de la concentration !
Le bébé lorsqu’il naît et « vient au monde » est d’abord complètement dépendant de ses parents, des adultes autour de lui, néanmoins pour Maria Montessori il est déjà pleinement une personne à part entière qui arrive avec un grand travail à accomplir, comme une mission inconsciente et vitale : celle de comprendre comment fonctionne le monde qui l’entoure, dans lequel il évolue, en se développant et se construisant pour peu à peu pouvoir y prendre part, et en devenir lui aussi un acteur au rythme de la conquête de son autonomie.
Nourrisson, elle observe l’enfant exercer spontanément ses capacités visuelles en cherchant à regarder, à examiner, car contrairement aux à priori que nous pouvons avoir, pour elle le bébé a la capacité de centrer son attention via son regard, qui se focalise pour observer ce qui l’interpelle et l’intéresse dans son environnement. Ainsi si l’on considère l’une des grandes conquêtes qui se jouent dans les toutes premières années de vie : celle de la concentration, on prend conscience que durant les premiers mois l’enfant s’y entraîne spontanément par une observation ponctuelle intense et prononcée. Puis généralement vers 8-10 mois un autre objectif, tout aussi important, se dessine pour prendre, la plupart du temps, de plus en plus de place, voire même carrément toute la place parfois ! Souvent au premier plan jusqu’à environ 18 mois, le développement moteur devient une priorité avec l’acquisition de la marche en ligne de mire, et les capacités de concentration auparavant présentes peuvent alors sembler comme entre parenthèses, s’exprimant uniquement dans l’intérêt de crapahuter, escalader, grimper, ou tout autre aventure similaire ! L’enfant ne pouvant être partout à la fois, c’est en général lorsque la motricité globale a fait un bond de développement important, qu’il retrouve, aux alentours de 18 mois – 2 ans, plus de disponibilité pour comme repartir sur les chemins de la concentration.
« La clé de toute la pédagogie se trouve certainement en ceci : savoir reconnaître les instants précieux de la concentration, pour les utiliser dans l’apprentissage. »
Le point de départ c’est l’intérêt de l’enfant, lorsqu’il est attiré par quelque chose, il centre son attention dessus, répète éventuellement son activité en s’y invertissant. Préserver et favoriser ce phénomène en pleine construction est essentiel car un bambin absorbé par ce qu’il fait est, pour Maria Montessori, en train de structurer sa pensée : il expérimente, ressent puis organise ses perceptions, travaillant ainsi activement à sa construction intérieure. L’adulte en l’observant soutien sa concentration, car c’est souvent délicat pour le jeune enfant de la focaliser seul, et la qualité de notre présence compte généralement beaucoup dans ces moments là. La répétition spontanée de l’activité est aussi importante, même si elle peut nous paraître à nous adultes inutile, à travers ces gestes renouvelés l’enfant peut perfectionner son mouvement, ou bien tout simplement être rentré dans ce que l’on appelle aujourd’hui le « flow », c’est à dire cet état dans lequel se trouve une personne lorsqu’elle est complètement plongée dans l’instant présent de son activité.
Intérêt > Attention > Répétition > Concentration > Construction intérieure
Et ses outils possibles
Dans ma compréhension de l’approche montessorienne pour les tout-petits, il s’agit plus de comprendre comment en tant que parent, ou adulte, nous pouvons accompagner la polarisation de l’attention de l’enfant sur une activité dans laquelle il s’investit, que de se procurer du matériel spécifique. Bien souvent l’enfant se lance d’ailleurs de lui même dans des activités spontanées qu’il peut simplement s’agir de suivre, et d’autres fois nous pouvons aussi lui en proposer en répondant potentiellement à des intérêts que nous avons pu remarquer et observer chez lui, comme ouvrir et fermer des boîtes, transvaser des éléments d’un contenant à un autre, ou encore se servir d’une cuillère. La plupart du temps nous pouvons pour cette tranche d’âge, de la naissance à trois ans, faire beaucoup avec ce que nous avons sous la main en usant de notre créativité ! Les grandes lignes pour penser une activité vont être d’être attentif à ne proposer l’exploration que d’une notion, d’un paramètre à la fois, à l’image d’une seule marche d’apprentissage, en évitant justement d’y inclure et mélanger trois ou quatre marches d’un coup ; un peu à contrario de nombreux jouets vendus dans le commerce qui vont combiner les formes, les couleurs, les premiers nombres, et d’autres choses encore parfois… Chaque petite activité va donc proposer à l’enfant de développer une compétence. A ces âges là, la motricité fine tient une place de choix puisque même si d’autres habilités liées aux couleurs par exemple ou au langage suscitent l’intérêt, l’entraînement de la dextérité constitue une occupation importante. Les différentes propositions répondent également à l’envie de l’enfant de faire comme nous, « surfant » sur sa motivation à nous imiter en se servant d’une éponge par exemple, en étendant du linge, en se versant à boire, ou en coupant une pomme, etc.
« L’enfant est le seul guide qui nous permette de savoir ce que l’éducation doit être. »
L’essentiel me semble être, au delà de chaque petite compétence, d’exercer la capacité à focaliser son attention pour faire grandir les facultés de concentration en pleine construction, naviguant comme j’aime l’imager avec les bambins : de petits miracles en petits miracles ! Sans oublier surtout de partager un chouette moment ensemble autour de ces activités qu’elles soient spontanées ou proposées, passant ainsi un moment privilégié soutenant l’enfant dans son développement tout en nourrissant la relation.
(1) L’Éducation et la Paix, Maria Montessori chez Desclée de Brouwer
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